Mais n’est-il pas les trois pourriez-vous me dire ? Théoriquement, on pourrait répondre par oui. En réalité, cela dépend du style que vous pratiquez et de votre enseignant. Il existe des formes de karaté qui se concentre rapidement sur l’aspect sportif, d’autres sont orientés vers l’autodéfense (comme les styles originaux d’Okinawa) et certains sont plutôt orientés vers la perfection du caractère ainsi qu’une voie pour donner un sens à sa vie.
Certains professeurs (dont l’auteur) vont inclure des techniques d’autodéfense dans tous les cours et d’autres vont plutôt les enseigner dans des cours spéciaux. Nous reviendrons sur ce dernier sujet dans un autre blogue. Dans cet article nous discuterons des deux premiers aspects : sports de combat ou voie martiale (budo). Nous allons aussi faire une distinction entre un art martial classique et une voie martiale (do).
Pourquoi le père du karaté était-il contre la compétition ?
Il semblerait que Gichin Funakoshi, le père du Shotokan qui a donné le nom au Karaté était en désaccord avec son fils Gigo qui désirait donner un aspect sportif au karaté, similairement au judo et au kendo. Pour Funakoshi-père, le karaté était une voie martiale pour développer tous les aspects du guerrier et pour pratiquer l’autodéfense, ce qui pour lui n’avait rien à voir avec le sport. Sa pratique était composée uniquement de kata et de bunkai (application des techniques du kata avec un partenaire). Pour le fils, le karaté était un art de combat qui pouvait être transformé en discipline sportive comme le judo et le kendo qu’il avait abondamment pratiqués à l’université. Jusqu’à la mort de Gigo, les deux étaient continuellement en désaccord sur l’orientation à donner au Karaté.
Pour les sportifs, le karaté est une magnifique discipline qui leur permet d’être en forme physiquement. Pour les puristes le karaté-do est un budo, c’est-à-dire une voie martiale qui sous-tend que celui qui le pratique développe les qualités et les valeurs liées au guerrier qui diffère des qualités d’un sportif.
Des personnes qui pratiquent un style de karaté sportif seraient sincèrement surprises si je leur affirmais que ce qu’ils font n’est pas un art martial, du point de vue de la voie du guerrier.
Quelle est la différence entre un karaté sportif et un karaté budo ?
Laissez-moi vous expliquer mon point de vue. Les applications sportives d’un système de combat, comme le judo, le karaté-do et le taekwondo, ne font pas partie des arts martiaux dans le sens strict du terme. Le fait de placer un art de combat dans une arène sportive en limite les techniques et les applications réelles.
Les athlètes modernes sont entrainés à manœuvrer à l’intérieur d’un ensemble de règles pour leur donner toutes les chances de gagner. Peu à peu, ces sportifs sont programmés neurologiquement à réagir de manière très spécifique dans un cadre contextualisé par des règles strictes.
Souvent, certaines techniques qui sont efficaces dans ce contexte compétitif sont totalement inopérantes dans le combat réel dans lequel il n’existe aucune règle.
Ce qui est létal en combat réel et qui devient de moins en moins pratiqué dans un style de karaté sportif va graduellement disparaître de l’entrainement. C’est alors que la notion de budo s’éloigne de plus en plus de ce volet sportif. C’est ce qui est arrivé, par exemple, avec le judo. Le judo a pris son origine d’un art martial qui était le jiu-jitsu. Jigoro Kano, le créateur du Judo a tout simplement enlevé ce qui était le plus dangereux du jiu-jitsu pour en faire une discipline sportive enseignée dans les écoles et les universités. Le judo s’est ainsi éloigné de la voie martiale du guerrier.
Certains puristes du taekwondo disent la même chose de cette discipline depuis qu’elle est devenue olympique et c’est ce que plusieurs traditionalistes du Karaté craignent avec la possibilité que le Karaté soit éventuellement accepté aux Olympiques (il ne faisait partie que d’un sport de démonstration aux dernières olympiques).
Oui, les sports de combat peuvent être efficaces et instaurent de belles valeurs
Attention, je ne suis pas en train d’affirmer que les sports de combat sont inefficaces ou mauvais, loin de là. Ils peuvent promouvoir de belles qualités à ses pratiquants comme toutes les autres formes de sports. La forme physique, la discipline, le respect de l’autre, la résilience, le courage sont des valeurs que ces pratiquants peuvent développer et les soutenir dans leurs vies quotidiennes.
Ces valeurs sont également utiles à ceux qui désirent suivre la voie martiale. Mon opinion est que ceux et celles qui pratiquent le karaté sportif purement et seulement que pour l’appliquer sur le tatami de compétition se leurrent en pensant qu’ils pratiquent une voie martiale. Par contre, il est possible qu'après avoir goutté à la compétition le pratiquant se tourne vers la voie martiale.
Certains d’entre vous peuvent se demander ce qu’est la différence entre un « art martial » et une « voie martiale ».
La différence entre un « art » martial et une « voie » martiale
Prenons l’exemple des arts de combats japonais. On peut classer un art de combat en deux systèmes autonomes. Le système qui a été développé par la classe guerrière est appelé des bugei ou bujutsu ce qui signifie « art martial ». Par exemple, le jiu-jitsu et l’aiki-jutsu qui ont été développés par les samouraïs pour se défendre à mains nues en cas qu’ils n’aient pas accès à leurs armes.
Le deuxième système de combat porte le nom de budo. Ces formes de combat ont été développées à partir du premier système, comme le judo du jiu-jitsu et l’aïkido de l’aiki-jutsu. Le pratiquant du premier système développe ses facultés avec le seul souci de survivre dans des situations de combats réels. Le pratiquant du deuxième système cherche à développer ses aptitudes physiques, émotionnelles, mentales et spirituelles afin de s’élever et transformer son cœur de plomb en or, tel un alchimiste. Même si ce système a été développé par le premier groupe, leurs ambitions vont au-delà de la notion de l’efficacité en combat. On pourrait simplifier en disant que les pratiquants du bujutsu cherchent à survivre, tandis que les budoka poursuivent une quête.
Pour se mettre dans un contexte plus juste, on pourrait affirmer que les fondateurs qui ont transformé le premier système au deuxième étaient eux-mêmes des guerriers. Ils ont voulu introduire une manière de suivre une voie (do) pour se transformer de l’intérieur vers l’extérieur et créer une jeunesse et une société plus forte. Ils ont transformé leurs arts afin de le rendre plus accessible et moins dangereux pour la masse. Ils l’ont intentionnellement dilué pour les débutants et évité maints accidents.
Ces fondateurs enseignaient les véritables techniques létales à leurs adeptes avancés. Si ces adeptes du début connaissaient bien la différence entre le premier système et le deuxième, peu à peu, les générations subséquentes ont fini par oublier certains de ses aspects internes pour ne pratiquer que la coquille externe. Peu à peu ce qui était un art guerrier s’est substitué en rituels machinaux et en pratiques sportives superficielles.
J'ouvre ici une parenthèse. Saviez-vous que le Karaté n'est pas un art martial ? Dans le sens traditionnel, un art martial est un système qui a été développé pour être utilisé à la guerre. Comme le jiu-jitsu et l'aiki-jitsu qui était utilisé dans le champ de bataille ou lorsque le samouraï ne pouvait utiliser son sabre. Le karaté lui a été inventé par des civils (à Okinawa) qui s'en servaient pour se défendre contre les samouraïs. Car toute arme leur était interdite par ces derniers. Quand le karaté a été importé au Japon, on a ajouté le suffixe « do » pour en faire une voie martiale. Fermeture de la parenthèse.
Pouvez-vous suivre la voie du Guerrier même si vous pratiquez un sport de combat ?
Maintenant, la question que vous devez vous poser est : est-ce qu’un adepte qui pratique un sport de combat peut aussi apprendre et suivre la voie martiale, la voie du guerrier ? Oui, je le crois si cela est son intention.
Personnellement, je crois qu'il est possible d'allier tous les trois. J'ai abordé le Karaté dès mon début comme un budo. J'ai pratiqué la compétition de Karaté Kyokushin knockdown (plein contact sans protection) pendant 8 ans. Je considérais le tatami de compétition comme un champ de bataille qui me permettait de mettre en pratique mes connaissances afin de m'améliorer sans cesse, tant au niveau physique que mental. Le tatami était mon laboratoire. J'ai aussi été portier d'une discothèque pendant 5 ans, ce qui m'a permis aussi d'utiliser plusieurs techniques d'autodéfense pour maîtriser un ou plusieurs individus sans les blesser.
Pour moi, la compétition est importante mais elle ne doit pas être le but ultime ; elle n’est qu’un accessoire qui permet de forger et purifier votre être. Ensuite, votre pratique sportive ne doit pas servir à vous différencier des autres, à démontrer que vous êtes meilleur que tout le monde, que vous avez 62 trophées et 26 titres de champion du monde. Vous devez rester humble comme tout véritable maître ou pratiquant qui suit la voie martiale le démontre quotidiennement. Finalement, votre pratique doit être orientée vers la maîtrise de soi, l’humilité, la compassion et l’amélioration de votre caractère.
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